Voici l’émission Le monde merveilleux du travail du 8 août 2011 sur Radio Libertaire (89,4Mhz FM en région parisienne), animée par le Syndicat de l’industrie informatique. Le sujet traité est l’offshore.
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Offshore en Inde : Retour sur les tensions américano-indiennes
La fin de l’année 2010 aura été tendue sur les problématiques de l’externalisation en Inde des services informatiques.
Avant les élections de mi-mandat, la pression électorale avait poussé Barack Obama à agir contre le siphonage par les entreprises indiennes des postes d’informaticiens sur le marché américain. Pour cela, il avait décidé de procéder à une très forte augmentation (de 2000 USD à 4300 USD) des coûts des visas professionnels pour les informaticiens indiens. Le but étant de mettre à mal le dumping social des sociétés de prestation indiennes qui envoyaient leurs salariés travailler aux USA en surenchérissant le coût de leurs projets. Les projets délocalisés ayant toujours besoin d’interventions ponctuelles sur site.
Le gouverneur de l’Ohio est allé beaucoup plus loin. Dans cet état qui était indécis pour les élections de mi-mandat, le gouverneur a décrété l’interdiction de tout contrat public avec une entreprise sous-traitant une partie de sa production à l’étranger. Entre la pression des marchés financiers qui poussent les états à l’austérité pour réduire leurs dettes, et le refus de financer des emplois à l’étranger dans des pays qui pratiquent le dumping social, le choix a été fait de faire un bras d’honneur aux marchés.
Bien que ces deux mesures n’agissaient qu’à la marge sur un marché gigantesque, elles s’en prenaient au dogme intouchable du marché libre. Et les géants indiens du secteur regroupés dans leur syndicat le NASSCOM (regroupant entre autres les géants Infosys, Tata Consulting, Wipro et Sayam) ont sorti les griffes, et ont fait pression sur le gouvernement indien pour qu’il saisisse l’OMC si nécessaire.
Une semaine après avoir perdu ses élections de mi-mandat, Barack Obama était en visite d’état en Inde. Le sujet de l’informatique offshore a été abordé en priorité et Obama s’est dégonflé en annonçant l’abandon de ses intentions et sa volonté de renforcer la coopération américano-indienne dans l’informatique.
Le boycott de l’offshore par l’Ohio, est lui toujours en vigueur. Mais pour combien de temps au vu de la pression des marchés pour réduire les dépenses publics ? Quoiqu’il en soit, ces tensions montrent que les travailleurs des pays qui ont encore un niveau de vie et des avantages sociaux à défendre ne veulent plus laisser passer cette course aux délocalisations. Aux USA, ce sujet des délocalisations est tellement prégnant dans tous les secteurs de l’économie qu’il arrive à prendre toutes les formes quand il se traduit dans l’expression politique, même les pires expressions de paranoïa xénophobe.
Autant nous, membres du syndicat de l’informatique, ne pouvons pas accepter cette course aux délocalisations qui ne sert qu’au dumping social, autant, il ne s’agit pas non plus de boycotter des travailleurs venus des pays à bas coût, mais au contraire, nous nous battons pour une clause de mieux-disant social pour que ces travailleurs puissent bénéficier des mêmes droits et mêmes avantages que les salariés du pays de leur client final afin de faire cesser la spirale qui tire les prix vers le bas.
En France, silence radio sur le sujet des délocalisations. Les délocalisations dans l’informatique, et dans les différents secteurs de l’ingénierie sont pourtant un sujet qui peut devenir explosif. Depuis la fin des Trente Glorieuses, les emplois ouvriers ont été délocalisés dans un silence assourdissant, donnant l’impression que la classe ouvrière avait disparu.
Pourtant, ce qui motivait l’ouvrier, c’était non seulement à la fois l’espoir d’un changement social profond et à la fois l’espoir de prendre l’ascenseur social pour espérer devenir agent de maîtrise et cadre ou ingénieur maison, fonctions fantasmées comme idéales. Aujourd’hui, ces fonctions apparaissent à nu : déclassement, suicides, etc… La motivation profonde qui pouvait entretenir le système capitaliste est en train de disparaître, ne laissant la place qu’à la gestion par la peur de perdre son emploi. Il s’agit de gérer une société sans espoir avec tout ce que ça implique de perte de vie.
Le silence en France sur le sujet des délocalisations du secteur tertiaire, que ce soit sur la scène politique ou économique, s’explique facilement, outre le fait qu’il est plus facile de gérer par la peur. Pour nos élites, il faut laisser faire la main invisible du marché, et de toute façon, la seule hydre à chasser est l’endettement et le déficit publics. Les salariés, eux, n’ont plus que le fatalisme de leur condition et un sentiment d’inéluctabilité, en ayant l’impression que personne ne peut ou ne veut les défendre. Et malgré le silence officiel, la pression monte, et monte encore, toujours un peu plus.
Qui tirera les marrons du feu ? Si les salariés ne sont pas capables de s’organiser pour agir sur leur destin, il est évident que cette spirale infernale ne pourra amener que des aventures malsaines à se chercher un sauveur providentiel capable de faire régner l’ordre social et un semblant de justice à coup de bottes.
Creads : une start-up qui invente le travail gratuit
Ridiculisés, les cost-killers qui ne connaissent que l’offshore pour réduire les coûts de production : Une start-up répondant au nom de Creads, et se définissant comme une agence de communication participative en ligne propose à ses clients de faire travailler gratuitement les internautes pour réaliser leur projets. Vous avez un site Web à créer ? Vous n’avez pas envie de financer un emploi ? Vous n’avez pas envie d’avoir affaire à un employé raleur qui renâcle devant les contraintes du travail ?
Creads a trouvé la solution : Elle lance un concours sur internet, et le gagnant voit son projet retenu avec une petite récompense. Plus de 30 000 gogos recrutés sur les blogs, les forums et bien sur Facebook se sont fait une joie d’exprimer leur créativité pour la gloire. Et tant pis pour l’emploi. Tant pis pour le code du travail. Pas de mutuelle à payer, pas de congés à payer. Le client y trouve son compte en décernant un prix de quelques centaines d’euros pour « l’heureux gagnant » dont Creads prélèvera la moitié.
En moins d’un an d’exercice, Creads a ainsi réalisé un chiffre d’affaires de 150 000 euros et compte le tripler cette année. Tant qu’elle trouvera des amateurs, des retraités, ou des graphistes free-lance (50% des créatifs inscrits), elle pourra détruire un peu plus le marché du travail et les avantages sociaux des travailleurs.
Source : La Tribune