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[Golbal Voices] Émeutes en Tunisie : pouvoir et activistes en pleine cyberguerre

Cyberpirates en TunisieLes censeurs du ministère de l’intérieur, surnommés « Ammar » par les internautes, s’attaquent aux comptes Internet de militants tunisiens dans le contexte des troubles sociaux que connait le pays.

Lundi, des cyber-activistes tunisiens ont annoncé que le gouvernement avait piraté leurs comptes e-mails, leurs blogs et leurs profils sur les réseaux sociaux afin de les supprimer. Il semble s’agir de représailles après une autre cyber-attaque, celle du groupe de hackers Anonymous, qui ont piraté des sites et portails internet clé du gouvernement tunisien.

Le piratage de comptes n’a rien de nouveau en Tunisie, ses dissidents politiques connaissent bien ce moyen de pression. Le pays est connu comme un état policier, ennemi d’Internet et très répressif envers ses médias.

Les sites de Ben Ali, du Premier ministre et de la Bourse attaqués

Le World Press Freedom Index a rétrogradé la Tunisie de la 154e place à la 164e dans son classement 2010 :
« Le pays continue à chuter dans les profondeurs du classement pour sa politique de répression systématique mise en place par les dirigeants politiques de Tunis contre quiconque exprime des idées contraires à celle du régime. »
Selon le site Gawker, Anonymous, un groupe informel de hackers militants a attaqué notamment les sites du président Ben Ali, du Premier ministre, de la bourse, et ceux de plusieurs ministères.

Les pirates voulaient protester contre la censure par le gouvernement tunisien du site Wikileaks, intervenue après la divulgation des télégrammes diplomatiques américains, et contre la politique de censure agressive d’Internet qui a lieu en Tunisie.

« Opération : Tunisia » pour forcer Tunis à « libérer le Net »

Sur AnonNews.org, un forum en ligne pour les « hacktivists » (contraction de hacker et activiste), voici la déclaration qui a été publiée dans ce qui est maintenant connu sous le nom de code « Operation : Tunisia » :
« Le temps de la vérité est arrivé. Le temps où les gens s’expriment librement et peuvent être entendus n’importe où dans le monde. Le gouvernement tunisien veut contrôler le présent avec des mensonges et de la désinformation, pour contrôler le futur en dissimulant la vérité à ses citoyens. Nous ne resterons pas silencieux tandis que ceci a lieu. Anonymous a entendu la demande de liberté des Tunisiens. Anonymous est prêt à aider les Tunisiens dans leur combat contre l’oppression. On y arrivera. On y arrivera. Ceci est avertissement au gouvernement tunisien : les attaques contre la liberté d’expression et d’information de ses citoyens ne seront pas tolérées. Toute organisation impliquée dans la censure sera visée, et ne sera pas en paix tant que le gouvernement tunisien n’entendra pas la demande de liberté de son peuple. Il appartient au gouvernement tunisien de mettre un terme à cette situation. Libérez le Net, et les attaques cesseront, continuez, et ceci n’est que le début. »

Une liste des sites du gouvernement tunisien piratés par le groupe Anonymous a même été mise en ligne. Selon des militants qui se trouvent en Tunisie, la contre-attaque du gouvernement tunisien a touché des activistes, des avocats et des journalistes.

Les connexions sécurisées à Facebook impossibles

Le blogueur tunisien Astrubal, co-responsable du portail d’informations Nawaat.org, juge que des indices indiquent qu’il s’agit bien d’une attaque coordonnée par le pouvoir. Il écrit :

« Il s’agit vraisemblablement d’une campagne destinée surtout à subtiliser les logins et mots de passe des utilisateurs afin de fouiner dans leurs messages privés.

Par ce moyen, la police peut savoir qui communique avec qui et sur quel sujet. Il s’agirait en somme de chercher à démanteler ces réseaux de journalisme citoyen qui se sont constitués spontanément suite aux mouvements de contestation de Sidi-Bouzid.

Ces derniers ont montré l’importance des réseaux sociaux quant à la circulation de l’information, des perturbations récurrentes du réseau ont été constatées. Pour le cas de Facebook, les connexions en “https” [qui garantissent une meilleure protection des données échangées, ndlr] notamment pour se logger sont souvent impossibles à établir.

Le pouvoir tunisien n’a pas osé, comme il l’a fait par le passé, bloquer les services du réseau social le plus utilisé par les Tunisiens. Cette fois-ci, il semble qu’il chercherait plutôt à atteindre directement ceux qui l’utilisent pour faire circuler l’information, plutôt que de s’attirer les foudres de tous les utilisateurs par un blocage total de Facebook.

En tout état de cause, nous rappelons à tous les utilisateurs de Facebook et, a fortiori, s’ils se connectent à partir de la Tunisie : NE VOUS CONNECTEZ JAMAIS à partir d’une page non sécurisée.

Même si vous n’avez rien à cacher, n’oubliez jamais que vous êtes également dépositaire de la confiance des personnes qui vous envoient des messages privés.

Même si, vous, ça vous est égal que l’on puisse fouiner dans vos messages privés, on se doit, tout un chacun, d’honorer la confidentialité des messages privés que nous recevons. »

Des appels à la prudence relayés sur Twitter

La nouvelle des différentes attaques a été relayée sur les médias sociaux comme Twitter.

@SBZ_news rapporte : « Les blogueurs sont sous le feu de la cyber police tunisienne, elle essaie de pirater tous ceux qui ont soutenu #sidibouzid ou #OperationTunisia »

Naser Weddady, activiste mauritanien, tweete : « D’après des informations données par des gens en #Tunisie un modèle apparait : les comptes FB piratés étaient connectés à des adresses Yahoo Mail. » Il ajoute : « L’activiste @benmhennilina et le journaliste @Sofien_Chourabi sont ciblés parce qu’ils parlent aux médias étrangers. »

@spiralis1337 avertit : « Police tunisienne pirate comptes Facebook pour rassembler preuves. Soyez prudents. » Seifeddine Ferjani ajoute : « Le piratage de comptes e-mail et Facebook confirme que le gouvernement Ben Ali est une entreprise criminelle. » Dernière information en date, donnée par @nayzek : « Ha ha, maintenant, des officiels ( ? ) téléphoneraient personnellement aux gens pour leur dire de ne plus partager des vidéos sur #sidibouzid sur Facebook… »

Source : Global Voices