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Rébellion ouvrière chez Foxconn

La Chine du Nord… Sa Cité Interdite, son pittoresque monastère Shaolin et son canard laqué. Depuis peu, la ville de Taiyuan, dans le Shanxi, a ajouté une nouvelle spécialité à cette région du monde : l’émeute ouvrière.

Bref rappel des faits. Dimanche 23 septembre dernier, dans la nuit, une émeute géante éclate sur le site de l’usine Foxconn, entreprise taïwanaise qui y emploie près de 80 000 ouvriers. On y fabrique des composants électroniques pour toutes sortes de produits : téléphones, consoles de jeux, ordinateurs, automobiles… D’après la direction de Foxconn, l’affrontement a eut lieu entre 2 000 ouvriers pour des motifs personnels. D’après les informations officieuses relayées sur place, la rixe aurait opposé les ouvriers et les soldats, pardon matons, pardon vigiles de Foxconn.

La police locale a du intervenir pour ramener le calme, le lundi vers 3h du matin. L’usine est restée fermée toute la journée pour l’enquête, avant de rouvrir ses portes mardi matin. Ne nous privons pas d’un ouf de soulagement ! Nous avons cru un instant que la sortie de l’iPhone 5 aurait pu en pâtir, mais il n’en est rien, le gadget pourra bel et bien rassasier nos sympathiques drogués des high-tech qui campent devant les Apple Store… En effet, Foxconn est le principal fabriquant d’Apple (mais aussi de Nokia, HP, Dell, Sony, Motorola…), comme nous aimons à le rappeler.

Ne boudons pas un rapide résumé des exploits du géant taïwanais en matière d’exploitation humaine. De nombreux ouvriers ont déjà témoigné auprès d’organisations comme SACOM avoir effectué régulièrement des journées de 10 à 12h, sans pauses, six jours sur sept voire plus, dans des conditions qui feraient passer certaines usines du XIXe siècle pour des camps de vacance. Interdiction de parler à ses collègues sur les chaînes de montage, interdiction de rire, de s’assoupir ou même de bouger. Il existe un système de ligne au sol, qui déclenche une alarme dès qu’un ouvrier a le malheur de reculer un peu trop de son poste. En cas d’erreurs, les ouvriers subissent des humiliations, comme laver le sol ou les toilettes.

Ceci sans oublier les vigiles, car qui dit camp de travail dit vigiles. Ces messieurs ont régulièrement été pointés du doigt pour leurs mauvais traitements à l’égard des employés de Foxconn, dont plusieurs ont été battus, mais pour des faits très graves cela va sans dire, l’un d’eux avait par exemple marché sur une pelouse interdite (ceci n’est pas une blague). Ce serait précisément suite à la bastonnade de l’un de leurs camarades que les 2 000 ouvriers se seraient révoltés et auraient attaqué les vigiles. Bien entendu, il est toujours délicat de savoir ce qui se passe réellement chez Foxconn, expert ès omerta.

Ne tirons donc aucune conclusion hâtive, il s’agit peut-être d’une simple dette aux cartes qui a mal tourné, car, après tout, les ouvriers sont si joueurs, et comment soupçonner une entreprise qui fait installer des filets anti-suicide le long de ses bâtiments ? Tout va bien. C’est d’ailleurs ce qu’en dit également Apple, société philanthropique s’il en est, qui commande de temps à autre un rapport auprès de la FLA, la Fair Labor Association (c’est beau !), qui démontre que « ça va mieux » chez Foxconn. Association garantie impartiale, au passage, puisqu’Apple en est un membre. Si on ne peut même plus faire confiance à une association financée par les multinationales…

Malgré tous ces efforts pour étouffer l’affaire, les ouvriers chinois pourraient bien être sur le point de troquer le désespoir et le suicide pour la lutte armée. Bientôt une révolution en Chine ?

D’ici là, n’oubliez pas d’acheter l’iPhone 5 ! Et changez régulièrement vos smartphones pour être à la mode, ça donne du travail à plein de gens à l’autre bout du monde, qu’on vous dit !

Guillaume, Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

Il est né le divin iPad 3 !

C’est le printemps, les oiseaux chantent, les arbres bourgeonnent et les gogos se jettent sur l’iPad 3, sorti le 16 mars dernier. Comme à chaque fois, Apple fait un carton sur les ventes de son dernier gadget tactile, il n’est donc pas étonnant que le Journal du Net annonce le 04/04/2012 que la société a atteint son plus fort titre en bourse, à 632,2 dollars, et il pourrait encore progresser de 60% en deux ans.

Grandiose pour les actionnaires de la pomme, un peu moins pour les sous-traitant…

Dès que l’on retire les chiffres mirobolants et les commentaires extatiques sur le design des produits, l’image d’Apple n’est soudain plus si dorée. Le cas du sous-traitant chinois Foxconn mérite un peu d’attention. Cette gigantesque entreprise d’électronique est le premier producteur mondial de composants informatiques et multimédia. L’iPhone, l’iPad, les téléphones Nokia et Motorolla, les consoles de jeu Wii et Xbox, les ordinateurs Dell, HP et bien d’autres, ce sont eux. En 2012, Foxconn emploierait près de 1,3 millions de personnes, autant de petites mains qui ont rendu possible la création de l’iPad 3.

Faisons un rapide saut dans le temps. En 2008, le tout premier iPad était sur les chaînes de montage de Foxconn (apprécions, au passage, la fidélité d’Apple envers son douteux sous-traitant). Plusieurs ouvriers chinois ont témoigné avoir travaillé durant 6 mois pendant près de 12h par jour, avec seulement un jour de repos tous les 13 jours, et sans aucune pause. En théorie, la loi chinoise prévoit un maximum de 36 heures supplémentaires par mois, mais durant cette période, une moyenne de 120h a été observée dans la région du Guanlan. Ces chiffres et bien d’autres insanités sont rapportés par les militants Hong-kongais de SACOM (www.sacom.hk).

Ceci peut sembler moche, mais ce n’est que l’apéritif, le meilleur était à venir, puisque les nombreux sites de Foxconn ont connu des vagues de suicides, notamment en 2010. Bien heureusement, la direction de Foxconn est aussitôt intervenue en convoquant des moines, pour qu’ils exorcisent l’esprit malin des usines (véridique). Parions que l’origine du mal n’est pas à trouver dans les méthodes de management inhumaines, qui humilient les employés en leur faisant copier des centaines de fois les citations du grand patron, Terry Gou, punition que l’on peut qualifier de gentillette en comparaison des passages à tabac opérés par les agents de sécurité des campus ou les interdictions de parler, bouger, rire ou s’assoupir à son poste de travail. Rien à voir non plus avec le fait de parquer dans des dortoirs minuscules des ouvriers en prenant soin de ne pas regrouper ceux qui viennent des mêmes régions (pour le moral c’est mieux d’être isolé). Vous avez dit esclavage ?

N’exagérons pas, les ouvriers sont quand même payés. Bon, souvent en-dessous du salaire minimum, qui est déjà dénoncé comme insuffisant pour subvenir à des besoins normaux… Bien entendu, d’aucun rétorqueront qu’Apple n’y est pour rien, pourtant c’est bien cette entreprise qui a fixé le quota d’heures hebdomadaires maximal à 60 alors que la loi chinoise prévoit ce maximum à 49. C’est ce qui s’appelle faire dans le social ! Pour 2012, Apple et Foxconn, bons princes, ont promis des améliorations de salaires et des diminutions de temps de travail, d’ailleurs les ouvriers chinois y croient tellement que 150 d’entre eux ont menacé de se jeter d’un toit en début d’année, avant d’être redescendus par l’encadrement, et 200 autres ont fait la même chose à Wuhan (ligne de production Xbox). Un signe d’amélioration, probablement…

Et pendant ce temps-là, en Occident, des millions d’Apple maniaques se ruent sur l’iPad 3, ignorant ou préférant ignorer qu’il est fait de sang et de larmes. Il semble que 94% des détendeurs d’iPhone soient prêts à en changer lorsque le 5 sortira cet été. La consommation futile des uns est la souffrance et la mort des autres. Quand arrêtera-t-on d’acheter les merdes inutiles d’Apple ?

Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

Steve Jobs est mort… et alors ?

La mort a souvent cet avantage de bonifier la vie. Elle applique une sorte de vernis brillant au souvenir de celui ou celle qui vient de décéder, métamorphosant les tyrans en conquérants, les citoyens ordinaires en héros et les génies du marketing et de l’exploitation en génies tout court. À l’annonce du décès de Steve Jobs, patron d’Apple, les media se sont rués sur l’occasion de saluer unanimement le génie, le bienfaiteur des nouvelles technologies, le présentant parfois comme ayant fait plus de bien à l’humanité que beaucoup d’autres. « Génie » et « bienfaiteur » seront probablement les épitaphes choisies pour sa pierre tombale, révélant en cela comment la société dans laquelle nous vivons trafique les vraies valeurs.

Loin de nous l’idée de nous réjouir du décès d’un homme, quelqu’il soit, mais il faut remettre les choses à leur place : Steve Jobs était avant tout un PDG et un spécialiste du marketing. Sa création, Apple, n’était pas autre chose qu’une gigantesque machine à faire du fric, pour engraisser ses cadres dirigeants et ses actionnaires. Bien que, sous son impulsion, les technologies de l’informatique et du multimedia aient fait d’énormes progrès, qui profitent à tous, il ne faut pas omettre de signaler dans quel but ils ont été réalisés. L’iPod, l’iPhone ou l’iPad sont des objets purement marketing, qu’il faut renouveler tous les ans si l’on souhaite rester « branchés » et s’inscrivent en cela dans la plus pure tradition consumériste et capitaliste de notre temps. En cela, nous pouvons reconnaître à Steve Jobs d’être un génie en matière de marketing, un multiplicateur de devises à la Bill Gates, en somme. Gageons qu’à la mort de ce dernier, la réaction internationale ne sera pas différente, saluant le génie qui fit avancer l’humanité toute entière, et pourtant il n’y aurait pas eu de Bill Gates sans les PC d’origine IBM et l’achat du système d’exploitation QDOS, pour en faire MS-DOS, puis Windows. Ces logiciels n’ont pas été inventés par Bill Gates, mais sûrement par des informaticiens qui, eux, sont d’illustres inconnus.

L’informatique et les NTIC ont créées leurs héros, mais derrière eux se cachent de nombreux anonymes, véritables artisans, véritables travailleurs et probablement véritables destinataires des louanges attribuées à Steve Jobs. Ne nous privons pas d’émettre une critique à l’égard de ce déferlement médiatique de condoléances mielleuses, qui masquent au passage l’attribution des prix Nobel qui récompensent des travaux de grande importance scientifique et de grande qualité littéraire. N’y a-t-il pas là plus grande bienfaisance pour l’humanité ? La poésie ne rapporte par autant que l’iPhone, il est vrai…

Peut-être les media devraient-ils présenter des reportages sur les conditions des travailleurs chinois de Foxconn, qui fabriquent les joujous d’Apple pour un salaire de misère, ou bien s’intéresser aux comportements de ces gens rendus toxicos par l’omniprésence de leur iPhone, véritable drogue moderne créant une illusion de contact permanent avec le monde ? Peut-être pourraient-ils évoquer le coût écologique monstrueux de la fabrication de millions d’iPad et autres gadgets à renouveler sans cesse pour satisfaire la stupidité crasse de consommateurs et la gloutonnerie des actionnaires de feu Steve Jobs ? Peut-être pourrait-on discuter de la responsabilité morale d’une entreprise comme Apple lorsqu’apparaissent des applications iPhones aussi sordides que « Mon fils est-il gay ? » ou « Juif / pas juif » ?

Gageons que si le iParadis existait, il serait probablement déjà envahi par des projets de iAuréoles et de iNuages 2.0, mais par bonheur, le néant n’a cure du marketing.

Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT