Parce que nous, travailleurs du syndicat de l’industrie informatique, adhérant à la confédération nationale des travailleurs – solidarité ouvrière, nous sommes confrontés à un secteur où :
-(1) Depuis la vague de l’externalisation de l’informatique, la mise en concurrence des sociétés de prestation de services lors des appels d’offres des donneurs d’ordre, s’est généralisée et a laissé place à un mode de gestion ou la plupart d’entre nous sont des prestataires de services ayant plus de contacts avec des travailleurs d’autres entreprises que de travailleurs de notre propre entreprise avec ce que cela implique au niveau de la difficulté d’organiser une défense collective
-(2) la plupart des sociétés de service en informatique qui facturent ces prestations considèrent que leur cœur de métier n’est pas la production de biens et services informatiques, mais le simple fait de vendre des « ressources » à des clients, au mépris même du droit du travail constituant ainsi un délit de marchandage
-(3) le travail productif est méprisé à l’avantage d’un travail fonctionnel et commercial considéré comme plus noble, que ce soient par les entreprises consommatrices d’informatiques qui ont procédé aux externalisations ou par les SSII qui estiment que leur métier n’est qu’un commerce de location de travailleurs
-(4) le mépris de ce travail productif va de pair avec une intensification massive de la délocalisation vers des pays à bas coût de cette production, et depuis peu de la délocalisation vers ces mêmes pays du travail de conception sans que cela ne profite réellement aux travailleurs de ces pays en terme de droits sociaux ou syndicaux
-(5) les entreprises, bien que méprisant cette production, s’arrogent toutes systématiquement par contrat le droit de propriété intellectuel sur le travail produit
-(6) depuis plusieurs années, l’idéologie de l’auto-entrepreneur a été lancée par les représentants du patronat,( mode concrétisée par une prolifération de sociétés de portage) poussant les travailleurs à prendre un statut d’indépendant arguant du fait que c’est le moyen de se débarrasser du patron et de la technostructure administrative de l’entreprise, ce qui n’est dans les faits très souvent qu’une forme de salariat masqué
-(7) il est fréquent que les travailleurs soient jugés entre autres sur leurs capacités à assurer une présence maximale sur leur lieu de travail y compris nuit et week-ends.
-(8) il est également de plus en plus fréquent que les ressources humaines, utilisant des méthodes dignes de sectes, s’immiscent de plus en plus dans la vie privée des travailleurs
-(9) il règne une ambiance sexiste du fait du déséquilibre dans le rapport numérique hommes/femmes
-(10) beaucoup de projets informatiques ont pour finalité de remplacer du travail humain dans les entreprises clientes, participant ainsi à de la destruction d’emploi et à des gains de productivité. D’autres servent à organiser du fichage. Et d’autres encore, servent à des fins militaires, policière ou de contrôle social
-(11) Les technologies évoluent sans cesse et nécessitent une perpétuelle remise à niveau des compétences
-(12) Certaines entreprises majeurs du secteur détiennent des quasi-monopoles mondiaux
Nous tenons à rappeler les principes suivants auxquels nous croyons et qui orientent nos actes
Le syndicat de l’industrie informatique ne se bat pas uniquement pour défendre les droits acquis des salariés. Il se bat d’abord pour leur faire acquérir de nouveaux droits. Ce combat pour acquérir de nouveaux droits correspond à une urgence sociale qui ne doit pas faire oublier que le syndicat ne cherche pas uniquement à aménager la société telle qu’elle est, mais il a aussi avant tout vocation à être un outil de profonde transformation sociale pour construire un autre futur libéré de l’exploitation capitaliste en s’appuyant sur les valeurs qui lui ont fait adhéré à la Confédération Nationale des Travailleurs – Solidarité Ouvrière.
-(i) l’organisation collective des travailleurs est le meilleur moyen pour eux de défendre leurs droits moraux et matériels et surtout d’en acquérir de nouveaux(1)
-(ii) l’externalisation des métiers ne correspondant pas au cœur de métier d’une entreprise, mais étant nécessaires au fonctionnement intrinsèque de l’entreprise, n’est qu’une vision comptable qui ne voit le travailleur que comme un coût, et que nous condamnons, car elle amène le salarié à devenir un prestataire, appelé à des déplacements géographiques non désirés et à une perpétuelle réadaptation à chaque nouveau client, induisant stress et charge de travail excessive(1)
-(iii) le travail de production n’est pas un travail à mépriser, il s’agit du seul travail réellement nécessaire, et nous sommes fiers d’en faire partie, et fiers de syndiquer ces producteurs, plutôt que des managers (managers au pouvoir de licencier, le terme de manager étant devenu galvaudé pour pousser les salariés au surinvestissement) et autres slide-men qui pour nous ne sont au mieux que des maillons comme des autres dans la chaîne de production, et non une noblesse de métier, comme cette caste aime le penser, et par conséquent nous nous autorisons à refuser l’adhésion au syndicat à qui bon nous semble selon nos valeurs (2) et (3)
-(iv) les travailleurs de tous les pays ne doivent pas être opposés les uns aux autres. Nous sommes solidaires des travailleurs des pays à bas coût et attendons d’eux qu’ils en fassent de même. Pour cela, nous tenons absolument à continuer à développer nos contacts à l’international avec leurs syndicats.
Cependant, nous constatons que les délocalisations si elles profitent bien à ces travailleurs dans un premier temps, se retournent ensuite contre elles, car dès qu’une classe moyenne émerge, le processus de délocalisation reprend vers un nouveau pays ou le coût de la main d’œuvre est resté bien plus bas. Il ne s’agit donc que de manœuvres de dumping social afin de préserver ou augmenter les marges bénéficiaires des actionnaires.
Nous remarquons également que face à des problèmes organisationnels liés à ces délocalisations ( décalage horaire, langue de travail, etc…), des relocalisations ont été opérés vers des plateformes nearshores en province, qui ne sont que des lieux de production temporaires qui seront supprimés dès que l’organisation des délocalisations sera mieux maîtrisée.
Nous condamnons donc également ces plateformes nearshores en province qui sont des outils de dumping social arguant du fait que le niveau de vie en province serait moins élevé, tout comme nous condamnons le fait que des sociétés imposent des mutation non désirées vers ces plateformes accompagnées de réductions de salaires
Nous condamnons également, la relocalisation de la production vers des chaînes de production ou des plateformes de services (par exemple, de télémarketing) installées dans les prisons, tant que les prisonniers ne serviront qu’au dumping social.
Cependant, tout comme les travailleurs des pays étrangers, nous tenons à affirmer notre soutien aux prisonniers, et défendre leur dignité, ainsi que leur droit au travail et à une juste rénumération. (4)
-(v) Les travailleurs sont et doivent rester maîtres de leur prestations intellectuelles et doivent pouvoir être capables de les reproduire et/ou les améliorer autant qu’il le souhaitent, et en faire l’usage qu’ils souhaitent.(5)
-(vi) Le statut d’indépendant n’est pas l’auto-gestion telle qu’elle est prônée par le syndicat, elle offre certes l’avantage de se débarrasser d’un management parasitaire, mais nécessite en contrepartie une flexibilité accrue, une auto-exploitation et est un frein supplémentaire à l’organisation collective. Elle ne peut donc pas être un mode d’organisation recommandé par le syndicat.
L’actionnariat salarié n’est pas non plus l’autogestion dans la mesure ou la majorité du capital est dans les mains de la finance, nous refusons également ce mode de gestion qui n’est qu’un moyen de pousser les salariés à sacrifier un peu plus leur vie au travail (tout comme nous nous opposons à l’actionnariat en général).
Le fonctionnement en coopérative de travailleurs ne rentre pas dans ce cas. Il permet au contraire d’organiser la solidarité et la responsabilisation des travailleurs par l’auto-gestion.(6)
-(vii) Le temps de travail doit être sérieusement borné dans le temps. Nous travaillons pour vivre, nous ne vivons pas pour travailler. Le contrat de travail est bien un contrat de soumission, mais il a des limites dans le temps. Les problèmes de dépassement d’horaires sont la plupart du temps liés à des choix organisationnels ( choix d’un passage en production en dehors des horaires de bureau pour ne pas impacter la folie productrice), à des erreurs de management ( calcul de charge bâclé ou tiré vers le bas pour raisons commerciales, sous-effectifs pour comprimer les coûts )
Nous tenons à rappeler que le meilleur moyen d’absorber une surcharge de travail, c’est de créer de nouveaux postes pour assurer un meilleur partage des taches.
Par ailleurs, nous rejetons tous ces choix organisationnels qui amènent les travailleurs à sacrifier leur vie au travail. Il est par exemple tout à fait possible d’arrêter une ligne de production, le temps d’installer un outil informatique que l’on a choisi d’acheter pour accroître la productivité sur le long terme. Nous tenons à ce que les entreprises outrepassant ces règles élémentaires soient pénalisées au maximum et que les travailleurs qui en soient victimes soient indemnisés au maximum
Par ailleurs, nous tenons à rappeler que tous les séminaires, conférences, meetings et autres inventions RH, auxquels sont « gentiment invités » les travailleurs en soirée ou en week-end soient considérés comme du temps de travail, que ce soit en en terme d’horaire travaillé, de défraiement de déplacement, de problème de couverture d’accident du travail, etc…
Nous tenons à rappeler que les travailleurs donnent par contrat leur force de travail à l’employeur, mais ne sont pas tenus d’adapter leur caractère, leur mode de vie en fonction du moule désiré de l’entreprise et que celle-ci n’a as à intervenir dans quoi que ce soit que fait le travailleur en dehors de ses heures de travail (7) (8)
-(ix) Nous encourageons très vivement la mixité du secteur, y compris dans la production, qui est particulièrement monolithique. Nous condamnons toutes les discriminations à l’embauche ainsi que lors de l’évolution de carrière. Nous prônons une défense collective face à toutes les formes de harcèlement sexuel ou moral en parallèle des recours légaux. (9)
-(x) Nous condamnons également toutes les brimades contre les travailleurs en inactivité. L’externalisation et les sociétés de prestation ont induit le phénomène d’intercontrat pendant lequel le travailleur se retrouve en inactivité et est culpabilisé par cet état de fait. Nous réaffirmons qu’il n’a pas à payer les pots cassés d’un déséquilibre temporaire du marché du travail ou d’une politique commerciale défaillante.(1)
-(xi) Nous ne pouvons pas tout cautionner. Nous défendons certaines valeurs et combattons certaines choses . La pression du marché du travail et la soumission au contrat de travail ne doivent pas nous obliger à accepter de réaliser un travail qui va à l’encontre de nos convictions sans que nous puissions y faire quelque chose.
La destruction de travail engendré par l’informatisation n’est pas forcément un problème en soi, puisqu’elle permet de dégager du temps libre grâce aux gains de productivité, encore faut il que ceux-ci soient redistribués et que les charges de travail soient répartis convenablement parmi la population active. (10)
-(xii) Les entreprises doivent assumer leur responsabilité en terme de formation, ce qui n’est pas actuellement le cas, car elles privilégient le court terme, et préfèrent en outre embaucher des jeunes moins chers, tout juste émoulus de l’école et formés aux dernière technologies. Nous condamnons par ailleurs cette autre forme de mise en opposition des catégories de salariés.(11)
-(xiii) Nous condamnons la main-mise de ces monopoles. Nous encourageons toutes les innovations alternatives, particulièrement, celles qui rejettent l’accaparement de la propriété intellectuelle des outils informatiques par des entreprises monopolistiques
-(xiv) Face au cloisonnement social induit par l’externalisation et la prestation de services, nous tenons à rappeler l’importance que nous accordons aux luttes inter-corporatives(1)
Pour cela, nous exigeons
-(a) le droit de refuser une mission de prestation pour des motifs d’éloignement du domicile sans que ce soit un motif de licenciement(ii)
-(b) l’abrogation de l’article 8 du Syntec qui fait supporter au travailleur les conséquences de difficultés financières souvent dues soit à des erreurs de management, soit à des événements extérieurs (crise,…)(xii)
Nota Bene : L’article 8 du Syntec stipule « Si par suite de circonstances particulières résultant de la situation du travail dans l’entreprise, un salarié se trouve amené à assumer temporairement, dans des conditions de durée précisées à l’avance par écrit, n’excédant pas six mois, et sans diminution de sa classification ni diminution de ses appointements, une fonction inférieure à celle qu’il assume habituellement, le refus de l’intéressé d’accepter cette fonction temporaire équivaut à une démission de sa part
-(c) le droit systématique pour le travailleur de rester le propriétaire de ses prestations intellectuelles et de les diffuser librement, et la suppression de la clause les en empêchant dans les contrats de travail(v)
-(d) le remboursement intégral des frais de déplacement(ii)
-(e) le droit pour les travailleurs de refuser une mission pour clause de conscience (projets militaires, rh, flicage, etc….)(xi)
-(f) le droit de syndiquer les prisonniers, le droit de leur rendre visite sur leur lieu de travail(iv) et l’ensemble des droits syndicaux(i)
-(g) la suppression du secret industriel pour les entreprises en situation de monopole(xiii)
-(h) l’interdiction des fichages de données compilées détenues exclusivement par l’État (HADOPI, STIC, JUDEX, EDVIRSP, FRG, SDRF, LOPPSI 2, etc…) ou les entreprises privées (fichage des salariés, navigo)(xii)
-(i) le réajustement du partage des gains de productivité liés à l’informatisation
-(j) l’interdiction pour l’entreprise de consigner le statut marital des employés(ix) et (vii)
-(k) la prise en compte dans le temps de travail effectif du temps passé en séminaires et week-end divers avec dédommagements financiers et en terme de journées de récupération(vii)
-(l) le droit d’organiser des sections syndicales temporaires de projet entre salariés de différentes entreprises travaillant sur un même projet(i)
-(m) l’embauche en interne, sur demande du salarié, au bout d’une durée raisonnable de prestation(ii)
-(n) la prise en compte de l’intégralité du temps de trajet dans le temps de travail(vi)(ii)
-(o) l’interdiction des mutations forcées par avenant au contrat de travail(vi)(ii)
-(p) la transparence des salaires(iv)
-(q) la suppression des clauses de non-concurrence, de confidentialité ou de loyauté(v)
-(r) le droit pour le salarié de décider seul de l’usage qu’il fait de son droit à la formation : choix du contenu, choix du calendrier, choix du formateur.(xii)
-(s) le droit de critique de l’entreprise, et la suppression du dénigrement parmi les motifs de licenciement pour faute grave (xi)
-(t) l’obligation pour les entreprises de rendre publics les suicides sur le lieu de travail et les déclarer comme accidents de travail(vii)
-(u) le droit automatique à être éligible au télétravail en cas de mission éloignée du domicile(vii)(ii)
-(v) la semaine de 32 heures en 4 jours(vii)(ii)